LE CARNET FORME ET TRANSFORME
Expérience humaine, expérience sociale et expérience sensible
"Le temps du carnet, c'est le temps de l'expérience"
observer le monde avec ses sens - matérialiser ses pensées - noircir les pages de multiples signes garder des traces - imprimer des perceptions - essayer - rencontrer l'ailleurs réaliser ensemble - dessiner - écrire - témoigner et s'engager oser et se lancer dans la création prendre position - découvrir la variété et les nuances - célébrer l'erreur - enchanter le quotidien partager son regard
" Tu noteras des signes brefs sur un petit carnet que tu dois, sans cesse, porter sur toi et qu’il soit de papier teinté afin que tu ne puisses pas effacer, mais que tu puisses faire du neuf avec du vieux, car ces choses ne peuvent pas être effacées, elles doivent au contraire être préservées avec grand soin , car les formes sont en nombre si infini que la mémoire n’est pas capable de toutes les retenir ... " Léonard de Vinci dans son traité de la peinture.
« Sans cesse », écrit Leonard de Vinci. Le carnet s’offre à son auteur sans limites temporels. Il est toujours là, disponible, dans une poche, dans un sac. Prêt à recevoir une note, une esquisse, un collage. Au fil des pages, du temps, cette disponibilité relie entre elles des expériences discontinues. A la manière d’un fil d’Ariane, elle génère de la continuité. Le carnet finit par organiser ce qui est disparate en une chronologie, il assure un suivi à long terme d’actions à court terme. Il donne corps au temps où il n’y avait que trace éphémère, trait rapide, croquis pris à la volée. Le caractère impromptu du travail de carnettiste, au gré des occasions et de circonstances, se passe de l’obligation de réussir, de rendre une copie propre. On peut se tromper, faire des bavures, puis effacer ou corriger ou tout garder dans une suite d’essais et d’erreurs. |
Le jugement est suspendu quand on colle, on découpe, on imprime, on frotte. Tout est permis. L’expérience du carnet ne s’embarrasse pas de codes et de conventions. Elle est intime, personnelle. Elle se passe de toute évaluation. Elle est créatrice.
Les pages du carnet sont autant d’opportunités de création à la fois spontanées et élaborées. On part dans une direction, on revient en arrière, on bifurque, on improvise une démarche. Ce va-et-vient incessant fait penser au terme allemand pour les répétitions au théâtre: « proben ». Car il ne s’agit pas de répéter, mais bel et bien de faire la preuve, de mettre à l’épreuve. De sauter dans l’inconnu et d’en revenir avec une marque du réel, un morceau d’univers. Le carnet invite à faire le saut, à plonger dans la matière des êtres et des choses, à mettre les mains à la pâte. A éprouver son environnement. Sans savoir ce qui va arriver, ce qui va en sortir. Le carnet incite à expérimenter toutes les formes, les méthodes, les matériaux, les instruments, les genres. Du dessin à l’écriture, de l’impression à la photo, du crayon à la peinture, librement. Finalement, le carnet suggère une attitude toute en discrétion et respect, le contraire de la volonté de conquérir des territoires, de produire des savoirs, d’imposer sa marque : récolter les empreintes du monde pour en dégager le mystère. Une autre façon d’apprendre. |